Le droit à l’image découle directement de l’article 9 du code civil, qui dispose que « toute personne à droit au respect de sa vie privée ». L’image représente de façon indéniable un des aspects de la vie privée. Naturellement, le consentement d’une personne doit être recueilli lorsque celle-ci est prise en photo. Peu importe que la photographie soit publiée sur support papier ou immatériel. A ce titre, l’article 226-1 du code pénal punit de 45000 euros le fait de ne pas respecter le droit à l’image d’un individu. Cette disposition évoque l’enregistrement, la fixation ou la transmission d’une image sans l’accord de l’intéressé, lorsqu’il se trouve dans un lieu privé. Si l’on raisonne a contrario, cela signifie qu’une personne ne peut se prévaloir de son droit à l’image lorsqu’elle se trouve dans un lieu public, et qu’elle se fond dans l’ensemble de la foule.
En outre, dans ce domaine, l’adage selon lequel « qui ne dit mot consent » prend tout son sens. En effet, le fait de savoir que l’on est photographié sans s’y opposer vaut acceptation tacite : la loi établit une présomption d’approbation. En ce qui concerne les mineurs, l’accord des parents doit avoir été préalablement recueilli.
Les décisions de justice vont également dans ce sens, en mettant en avant de façon prépondérante le fait que le consentement d’une personne est la condition sine qua none de la validité de la publication d’une image (le Tribunal de grande instance de Paris l’a rappelé notamment dans un jugement du 15 février 2010 relatif au lip dub de l’UMP).
A l’heure de la presse électronique et de la dématérialisation, le contrôle des images publiées sur le web est un enjeu fondamental en matière d’E-réputation. Comment concilier liberté d’expression et droit à l’image ? Ce qui est certain, c’est que la liberté d’expression peut constituer une limite au droit à l’image, à condition de respecter le droit à la dignité de la personne concernée (protégé par l’article 16 du code civil). Si le droit à l’information peut justifier qu’une photographie soit utilisée sans l’aval des personnes concernées, encore faut-il qu’elle ne soit pas dégradante.
Dans un arrêt en date du 5 novembre 2008, les juges de la cour d’appel de Paris ont clairement évoqué que « le droit à l’image doit céder devant la liberté d’expression […] sauf dans le cas d’une publication contraire à la dignité de la personne ou revêtant pour elle des conséquences d’une particulière gravité ». Il en va de même dans l’affaire du préfet Erignac, ou les juges de la Cour de Cassation ont estimé que le fait de publier une photo montrant la dépouille du préfet était contraire au respect de sa dignité (arrêt du 20 décembre 2000, numéro de pourvoi F 98-13.875).
De surcroit, l’image utilisée doit correspondre à l’événement que l’on souhaite illustrer. Elle ne peut être exploitée par la suite pour d’autres faits distincts.
Quid des réseaux sociaux ? Très logiquement, le droit à l’image subsiste. Cela a été confirmé par le Tribunal de grande Instance de Paris dans une ordonnance de référé en date du 13 avril 2010. Dans cette affaire, il s’agissait d’un groupe Facebook intitulé « courir nu dans une église en poursuivant l’évêque », avec une image de l’évêque de Soissons. Ce dernier a intenté une action en justice. Naturellement, il a obtenu gain de cause.
Le droit à l’image peut donc se voir opposer la liberté d’expression. Cette liberté n’étant pas discrétionnaire, elle ne saurait subsister en cas d’abus.
Quelques questions pratiques …
Puis je faire valoir mon droit à l’image si je ne regarde pas l’objectif de l’appareil photo ? Regarder l’objectif change t-il fondamentalement la donne ?
Que vous regardiez ou pas l’objectif n’est pas fondamental. Si vous êtes reconnaissable sur une photo, alors vous pouvez faire appliquer votre droit à l’image.
Regarder l’objectif peut être interprété comme un accord, mais ce n’est pas la règle. Si vous regardez l’objectif vous pouvez quand même faire valoir votre droit, sauf naturellement si vous avez donné votre consentement au photographe. Un écrit est conseillé pour les photographes comme moyen de preuve.
Une personne dans un lieu public peut être prise en photo dès lors qu’elle se fond à la foule, n’est donc pas reconnaissable.
Dans le cas inverse, son consentement doit avoir été préalablement recueilli. Si la personne est prise de manière individuelle, la personne doit avoir donné son accord. Il ne faut pas qu’il y ait un cadrage spécifique sur l’une des personnes.
Au sujet des photos concernant un mineur ? Quelles sont les conséquences sur son droit à l’image ?
En France, un mineur est une personne qui à moins de 18 ans. Un mineur étant juridiquement incapable, l’accord doit être recueilli par ses deux parents en cas de diffusion de son image.
De fait, si les parents n’ont pas donné leur accord formellement, il est présumé non existant. La charge de la preuve pèse alors sur la personne qui à publié la photo. Sur les sites américains comme facebook, la question ne se pose pas vraiment puisque le service est interdit aux mineurs de moins de 13 ans. En la matière, le Child protection Act avait vocation à protéger les mineurs sur internet et ses dangers. Mais il a été jugé contraire à la liberté d’expression. Attention aux sites américains qui ont une approche libérale de la liberté d’expression, et reconnaissent très peu le droit à l’image.
Qu’en est-il de l’exploitation des images ?
L’accord d’une personne n’est valable que pour la finalité d’origine de la photographie. Ainsi, une photo relative à la gay pride ne peut illustrer des faits d’actualité relatifs au pacs (CA Versailles, 31 janvier 2002, 1999-2761). Une photographie d’actualité ne peut être utilisée à des fins publicitaires.
Où est la limite entre l’atteinte à la dignité de la personne et la liberté d’expression ? Par exemple, une personne défilant à la gay pride, ce n’est pas dégradant en soi mais ça peut être très nuisible à posteriori.
Sur ce sujet, des décisions antagonistes ont été rendues.
Certains juges ont considé ré que des personnes ayant donné leur accord initialement avaient le droit de changer d’avis. D’autres ont estimé qu’une fois le consentement donné, il ne peut être repris,
Pour la gay pride : on peut prendre en photo un groupe de personnes qui défilent dans la rue pour illustrer l’événement, s’ils ne sont pas spécifiquement cadrés. Par contre, pour tout autre événement ayant trait de près ou de loin à des personnes homosexuelles, il n’est pas possible d’utiliser la même photo (CA Versailles, 31 janvier 2002, 1999-2761).Il ne faut pas cadrer un petit groupe de personnes reconnaissables.
Comment peux-t -on faire valoir son droit à l’image lorsque la diffusion de l’image n’a pas été faite par un journal français mais étranger ou basé à l’intérieur de l’Union européenne ?
Il s’agit problème de responsabilité délictuelle. En France, la loi applicable est celle où le fait dommageable s’est produit. L’affaire Olivier Martinez est sur ce point assez éloquente. La CJUE (la cour de justice de l’union européenne) a été très claire : pour l’atteinte à un droit de la personnalité (en l’occurrence, atteinte au droit à l’image), la victime peut saisir : soit le juge du lieu d’établissement de l’émetteur du contenu, soit le juge de l’état où se trouve le centre de ses intérêts, soit le juge de chaque territoire ou le contenu est accessible. Si la mise en ligne a eu lieu en France ou sur le territoire européen, un juge de l’UE est compétent.
En clair, on peut faire valoir son droit partout eu Europe si le contenu est accessible sur ce territoire.
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