Voici un arrêt en date du 16 avril 2012 assez intéressant qui nous est rendu par la Cour d’appel de Douai.
Dans cette affaire, un salarié, qui occupe le poste d’attaché commercial, quitte son entreprise. Par la suite, et ce, de manière délibérée, il véhicule des propos néfastes sur son ancienne société. Il décrie l’organisation interne, les pratiques commerciales et la gestion du personnel. Les propos sont diffusés sur divers blogs et forums.
La société assigne l’ex employé en justice.
Dans un premier temps, le tribunal de grande instance de Béthune condamne l’ancien salarié, en considérant que celui-ci n’a pas respecté les termes de son contrat de travail. En effet, une clause prévoyait à l’encontre du salarié, une obligation de discrétion à l’égard des informations dont il aurait connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. La clause devait continuer de s’appliquer après la rupture du contrat de travail. Naturellement, sa responsabilité civile est engagée, l’employé est condamné à réparer le préjudice. Malgré tout ce vacarme, le salarié ne compte pas en rester là, et fait appel de ce jugement.
Les juges de la cour d’appel de Douai mettent en évidence l’importance cruciale du savoir faire acquis par le salarié lorsqu’il était présent dans l’entreprise ainsi que la sensibilité des informations révélées. Ils considèrent que la clause était légitime et proportionnée eu égard aux intérêts à protéger. Le salarié cherche à se défendre en invoquant la liberté d’expression.
Une question mérite alors d’être posée : une clause d’un contrat de travail, qui prévoit une obligation de discrétion à la charge du salarié peut-elle prévaloir sur la liberté d’expression ?
En réalité, la cour n’est pas aussi incisive. Elle affirme tout simplement que la clause stipulée entre l’entreprise et le salarié ne viole pas la liberté d’expression. La solution est empreinte de bon sens. Une convention légalement établie doit être exécutée par les contractants. Le salarié n’avait donc, aucun droit de disséminer dans les entrailles de l’internet, tout propos pouvant nuire à la réputation de l’entreprise et plus largement à ses intérêts économiques.
La liberté d’expression ne justifie pas tout. La cour rappelle que le fait que les propos soient véridiques n’influe aucunement sur la solution. Toute personne bénéficie de droits, encore faut-il ne pas en abuser (comme l’indique la célèbre affaire Clément Bayard).
Il convient de souligner que cette clause, dont l’utilité n’est pas contestable dans la vie réelle, voit son efficacité remise en cause par le monde du numérique. La confidentialité ne couvre pas l’ensemble de l’E-réputation. Un niveau supplémentaire de protection semble nécessaire.
Des propos néfastes peuvent être évoqués sans qu’une quelconque information confidentielle ne soit révélée. De telles stipulations, doivent prévoir l’ensemble des propos qui peuvent être évoqués, peu importe leur caractère confidentiel.
Le code du travail autorise les clauses de confidentialité. En effet, l’article L1121-1 affirme de manière sous jacente qu’il est possible de porter atteinte à la liberté d’expression d’un salarié, lorsque cela est justifié par « la nature de la tâche à accomplir » et « proportionné au but recherché ». Les juges ont considéré, dans le présent arrêt, que la clause de confidentialité respectait les conditions posées par cet article. Est-ce que la protection de l’E-réputation de l’entreprise est « proportionnée au but recherché » ? Peut-on restreindre la liberté d’expression lorsque des informations non confidentielles sont révélées ?
L’obligation de loyauté du salarié peut-elle perdurer au-delà de son contrat de travail ? Le salarié doit pouvoir retrouver pleinement sa liberté d’expression après son contrat de travail. Il demeure libre d’évoquer son point de vue sur l’entreprise, dès lors que des informations confidentielles ne sont pas révélées.
Une clause de confidentialité ne couvre qu’une partie de l’E-réputation, et reste insuffisante. Néanmoins, priver le salarié de sa liberté d’expression une fois que le contrat de travail a été exécuté semble inconcevable. Une des solutions envisageables semble être l’application de la théorie de l’abus de droit qui se caractérise par l’absence d’intérêt à effectuer une action, ainsi que par la volonté de nuire.
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