Dans un article précédent, nous avions évoqué la bataille qui se profilait entre Google et la CNIL concernant la portée du droit au déréférencement. Concrètement, la CNIL avait mis en demeure Google afin que le déréférencement prenne effet sur toutes les extensions du nom de domaine, européennes ou non.
En d’autres termes, la CNIL sommait Google de bien vouloir déréférencer, non seulement sur l’extension européenne (.fr, .uk, .be,…) mais aussi sur toutes les extensions (.com). En effet, les différentes extensions ne représentent que des « chemins d’accès » différents à un seul et même « traitement » des données.
Cette mise en demeure rendue publique le 12 juin 2015 a obtenu sa réponse : Google refuse de se plier aux exigences de la CNIL et de donner suite à cette mise en demeure. Peter Fleischer, conseiller mondial à la vie privée (Global Privacy Counsel) a fait connaitre cette décision le 30 juillet dernier sur le blog de Google Europe[1] ayant pour titre « Implementing a european, not global, right to be forgotten ».
Le principal argument de Google réside dans le fait d’affirmer que le droit à l’oubli est un droit européen et non un droit mondial. La valeur juridique du droit à l’oubli est donc strictement limitée au territoire européen et ne saurait s’étendre au-delà. Selon Peter Fleisher, le droit à l’oubli étant un droit européen, celui-ci ne doit pas s’appliquer de manière universelle. Pour étayer ses propos, le conseiller explique que la liberté d’expression n’est pas la même dans tous les pays, en Thaïlande par exemple, il est interdit de critiquer le roi. En Turquie, critiquer Atatürk est répréhensible. Ces différentes règles ne peuvent se cumuler au niveau mondial car cela reviendrait à étouffer de plus en plus la liberté d’expression. Ainsi, le droit à l’oubli, droit européen ne peut s’appliquer en dehors du territoire européen. « Nous pensons qu’aucun pays ne devrait avoir l’autorité de contrôler les contenus auxquels une personne peut accéder depuis un autre pays, avance l’Américain.
Par cet argument, Google rejette la mise en demeure de la CNIL. Il y a pourtant là une confusion. L’Union Européenne ne prétend pas faire appliquer le droit à l’oubli à tous sans considération de leur nationalité. La demande de la CNIL visait uniquement, et en toute logique, à faire bénéficier au citoyen européen d’une protection adéquate et complète de ses droits au regard de l’ubiquité d’internet. Internet est effectivement un phénomène qui méconnait les frontières et connait ipso facto des conflits de loi dans l’espace.
Le souci de la CNIL était donc de protéger le citoyen européen mis en cause du risque de recoupement des moteurs de recherche. En aucun cas il ne s’agissait de donner au droit à l’oubli une valeur universelle.
Google réfute donc la mise en demeure de la CNIL à l’aide d’un raisonnement qui n’a de logique que l’apparence, détournant ainsi par un tour de passe passe les arguments de la CNIL.
Face à ce refus, la CNIL annonce : «Nous allons regarder les arguments et nous répondrons à ce recours dans le délai légal de deux mois». La CNIL se réserve également «la possibilité d’une phase répressive». En cas de sanction, Google devra verser une amende pouvant aller jusqu’à 150 000 euros.
Le différend n’en restera sûrement pas là, l’arrêt de la CJUE du 13 mai 2014 n’ayant pas clairement pris position sur la portée géographique du droit à l’effacement…
[1] https://europe.googleblog.com/2015/07/implementing-european-not-global-right.html
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