Vers la consécration d’un droit à l’oubli ?

Nettoyage de l'e-réputationLe droit à l’oubli fait parti ces derniers temps, et ce de manière assez récurrente, des préoccupations des acteurs de la vie judiciaire.

La CNIL a tout d’abord emboité le pas. En effet, celle-ci a récemment admis que le fait de publier des décisions de justice non anonymisées violait le droit à l’oubli des personnes concernées. (le 12 juillet 2011).

La Commission européenne a surenchéri, en prévoyant dans un projet de règlement en date du 25 janvier 2012, cette même prérogative.

Quid de la position des juges ?

En cette saison printanière, un doux parfum de changement est perceptible au sein de la jurisprudence. De façon très nette, les juges tendent à admettre la protection de la vie privée de façon assez libérale.

C’est en tout cas ce que nous laisse présager le Tribunal de grande instance de Paris. Dans son ordonnance de référé en date du 15 février 2012, celui-ci se montre moins timoré que par le passé en ce qui concerne la reconnaissance d’un véritable droit à l’oubli numérique. En l’espèce, il est question d’une ancienne actrice pornographique, qui par la suite,  change de profession. Pour protéger sa vie privée, les films ont été tournés sous un pseudonyme. A priori, on peut croire de façon tangible que l’anonymat était plus ou moins préservé. Sauf que le moteur de recherche Google permettait d’accéder au contenu litigieux par l’intermédiaire de simples requêtes portant sur ses noms et prénoms.

A l’époque, l’ancienne actrice, demanderesse en l’espèce, n’avait évidemment guère consenti à ce que les vidéos soient diffusées sur une quelconque plateforme numérique.

Elle se tourne alors vers le moteur de recherche, et lui demande de déréférencer les contenus en cause. Google refuse aux motifs qu’au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004, il n’est pas hébergeur.  Pour faire cesser ce trouble qu’elle qualifie de manifestement attentatoire à sa vie privée, la demanderesse saisit le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, lequel considère que Google doit être condamné, sous astreinte, à la désindexation des liens en relation avec son ancienne profession.

Ce qui est assez percutant, c’est qu’une condamnation, même provisoire à la désindexation, a des effets significatifs. Une fois que les liens sont désindexés, si le jugement est annulé, il  n’est pas aisé de tout re-référencer comme ce fut le cas auparavant.

Nous sommes donc en présence d’une décision très favorable à la protection de la vie privée des utilisateurs de l’internet, qui semble introduire de manière assez délicate et fine, sans l’avouer expressément, le droit à l’oubli dans la jurisprudence française. Reste à savoir quelles seront les positions des cours d’appel voire de la Cour de Cassation.

Le vent semble tourner, mais une consécration légale viendrait clarifier les choses.

Néanmoins, une telle hypothèse nous amènerait à nous interroger sur l’articulation entre cet éventuel nouveau droit, et la liberté d’expression, sachant qu’elle bénéficie d’un  rang constitutionnel.

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