Alors que le Conseil d’Etat confirme la force obligatoire de l’article 38 de la loi Informatique et Libertés selon lequel « Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement » pour un site internet de base de données, les éditeurs de presse en ligne bénéficient encore d’une immunité, alors même que le contenu litigieux présent en ligne concerne le même thème : une personne ayant fait l’objet d’une condamnation.
Le 23 mars 2015, le Conseil d’État a rendu un arrêt venant confirmer la sanction financière prononcée par la CNIL à l’encontre d’un site de jurisprudences qui n’avait pas procédé à l’anonymisation des décisions de justice qu’il mettait en ligne. Le site n’avait donc pas respecté le droit d’opposition des personnes associées nommément à ces décisions de justice.
Cette décision est importante car elle vient confirmer l’importance du droit d’opposition de l’article 38 de la loi Informatique, fichiers et libertés et sa pleine applicabilité sur Internet, confortant ainsi l’action des nettoyeurs d’e-réputation.
Paradoxalement, malgré l’interdiction de faire apparaître le nom d’une personne qui a été associée à une décision de justice, rien n’est prévu, en parallèle, pour anonymiser de la même manière les articles de presse ayant relaté les faits. Ainsi, l’anonymisation apparait comme illusoire car il reste possible de reconstituer l’affaire au travers des articles de presse, affichant par ailleurs des faits biens moins neutres que ceux décrits par les décisions de justice.
En effet, sous couvert du droit à l’information du public et de l’intérêt général, les éditeurs de presse ne se voient pas opposé le fameux droit à l’oubli, consacré par la CJUE il y a maintenant un an. Cette position a été confirmée par les juges à plusieurs reprises.
Récemment, les juges de la Cour d’appel de Rennes se sont prononcés sur le point de savoir si l’éditeur d’un journal en ligne pouvait voir peser sur lui une obligation de déréférencement.
Dans cette affaire, un quotidien relatait la condamnation du demandeur en 2009 pour des faits de violence. En 2012, celui-ci demande à la société éditrice de retirer son article et d’empêcher l’indexation sur les moteurs de recherche. L’appelant soutenait qu’il avait subi une atteinte à sa vie privée. Selon lui, un site d’informations ne doit pas devenir un « casier judiciaire bis ». La Cour d’appel a rejeté sa demande en considérant qu’il n’existe pas de « droit à l’oubli a priori » dont bénéficieraient les internautes.
Cette solution est bien souvent retenue par les juges, considérant que l’intérêt du public à avoir accès à l’information doit primer sur les demandes de désindexation fondées sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles.
Pourtant, s’il est fait obligation à un site d’anonymiser le nom des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation comme l’a récemment confirmé le Conseil d’Etat, la logique voudrait que soit, parallèlement anonymisé l’article de presse qui en fait état…
Il nous semble paradoxal de faire injonction à un site d’anonymiser les données nominatives mais de ne pas enjoindre le site de presse qui relate les faits à en faire autant.
Ainsi, une règle imposant aux éditeurs de presse l’anonymisation des articles relatant des condamnations judiciaires jugées dans le passé mérite réflexion.
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